Pour une conception française de l’identité allemande (1/2)
Les quatre problèmes de la conception dominante de l'identité allemande.
Problèmes de l’identité allemande
L’amie d’une amie s’interroge sur l’identité allemande et découvre qu’elle n’est rien d’autre que la capacité à examiner son passé nazi et à le rejeter. L’identité allemande serait ainsi fondée sur un rejet, sur une conception négative : l’Allemagne n’est pas et ne doit pas être le nazisme. Je vois pour ma part quatre problèmes dans cette conception :
- Problème numéro un : la non prise en compte du contexte de l’examen
- Problème numéro deux : l’extension de la notion de passé nazi
- Problème numéro trois : l’indétermination logique de cette conception
- Problème numéro quatre : l’orgueil secret que contient cette conception
Mais avant de développer ces points : pourquoi, au départ, discuter de cela ? Ne pourrait-on pas se contenter de penser : libre à cette personne de fonder son identité nationale sur le rejet du passé de son peuple si cela lui plaît ? En quoi cela nous regarde-t-il ? De plus, la question est sensible pour les Allemands. Elle est génératrice de stress pour eux. Est-ce vraiment approprié de la part d’un Français de venir critiquer la conception qu’ils aiment à se faire de leur propre identité ?
La réponse à toutes ces questions est que la discussion que je propose est imprégnée d’une grande et profonde germanophilie. Je ne suis ni un nationaliste français spécialisé dans l’étude de l’ennemi éternel, ni un promoteur des relations franco-allemandes sous leur forme actuelle. Je suis un simple amateur qui constate en France l’existence d’un courant anti-allemand de plus en plus intense et informé, dont les Allemands n’ont vraisemblablement aucune idée.
1.1. Problème numéro un : la non prise en compte du contexte de l’examen
Comment nier qu’il est juste d’apprendre de ses erreurs et qu’il y a certainement de nombreuses erreurs aux conséquences plus ou moins terribles dans l’histoire allemande ? La délimitation de ce qui n’est pas soi fait partie de toute identité, nous l’admettons sans difficulté.
Mais tout cela paraît un peu trivial à côté des vraies questions. À commencer par celle du contexte. L’examen du passé ne se déroule pas dans le vide mais possède un contexte. Deux possibilités : soit l’examen du passé est libre, soit il est contraint. S’il est contraint, la conception de l’identité qui en résulte risque de n’être que très superficielle. Une couche de conformité en guise d’identité ne suffit pas pour créer une cohésion véritable dans un groupe. Dès lors, il est à craindre qu’à la moindre occasion les Allemands adopteront une autre identité et ré-examineront alors leur passé sous un jour nouveau.
Le lecteur notera que je ne tranche pas la question ici. Je dis simplement qu’il appartient aux Allemands d’examiner non seulement leur passé, mais aussi le contexte dans lequel ils mènent cet examen.
1.2. Problème numéro deux : l’extension de la notion de passé nazi
Le rejet du passé nazi est souvent accompagné de l’idée que les douze années d’hitlérisme constituent l’accomplissement d’une déviance contenue dès l’origine dans l’histoire allemande. Le rejet ne porte alors plus seulement sur quelques années, mais sur des siècles illimités. Ce qui fait tout de même beaucoup.
L’idée d’un “chemin anormal” dans l’histoire (Sonderweg) propre à l’Allemagne ne tient pas debout et les Allemands feraient mieux de délimiter avec précision ce qu’ils entendent par “passé nazi”.
1.3. Problème numéro trois : l’indétermination logique de cette conception
Il n’est pas sûr qu’il soit très grave pour une conception identitaire de contenir des problèmes d’ordre logique, mais ils méritent néanmoins d’être signalés. En l’occurrence, la négation d’une idée ne suffit pas pour fournir une identité capable d’opérer dans un cas concret. Dit autrement, il y a beaucoup de manières de ne pas être un nazi : qu’est-ce qui fait que telle ou telle manière s’impose concrètement ? J’invite les Allemands à se poser la question, en se munissant du fil conducteur suivant : pour avoir un sens concret, la négation du nazisme doit opérer sur un substrat identitaire positif.
À quoi les Allemands les plus attachés à leur identité négative répondront : mais nous sommes déjà et avant tout des êtres humains. Ils feindront de ne pas apercevoir que ce substrat est trop général. Entre deux individus qui ne sont pas des nazis, comment distinguer celui qui est allemand ?
1.4. Problème numéro quatre : l’orgueil secret que contient cette conception
Réponse des tenants de la conception négative de l’identité : ce qui distingue les Allemands des autres êtres humains non nazis est leur capacité à examiner puis rejeter leur passé. Personne d’autre n’a cette capacité, puisque personne d’autre n'est allé si loin dans le mal.
Dans cette idée, il y a une note d’orgueil très nette pour qui sait entendre. L’essentiel est préservé : en bien ou en mal, le maximum est allemand. Les Allemands s'enferment dans une conception négative de l’identité par orgueil.
Cette situation est inavouable mais néanmoins réelle.
À suivre : je propose une identité positive.
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1.0, publiée le 10 août 2023
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